Comprendre la mission et la vision de l’entreprise

Si vous tombez ici par hasard, via les moteurs de recherche ou un partage, sachez que vous attaquez mon quatrième article dédié au marketing stratégique et le premier concernant l’étape #2 « Construire son marketing ». Je vous présente la méthode que j’utilise au quotidien avec mes clients dans mes activités de consultant marketing. Il en existe d’autres, à vous de faire le tri.

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La mission de l’entreprise ou la vision de l’entreprise sont deux sujets qui peuvent sembler flous. De nombreuses définitions leurs sont données et pour la plupart d’entre elles, ces deux notions se confondent. Les mots les plus souvent utilisés pour définir la mission et la vision sont le « but » et la « raison d’être ». Mais d’un site Internet à un autre, tantôt la mission est la raison d’être de l’entreprise et tantôt la vision est la raison d’être de l’entreprise. Vous constaterez le même phénomène avec le « but ». La première raison de cet amalgame est que les anglophones ont expliqué mission statement (« énoncé de la mission ») et vision statement (« énoncé de la vision ») avec le terme purpose. Purpose a deux traductions : « but » et « raison d’être ». La seconde raison est que les marketeurs et vulgarisateurs ont voulu opposer les termes de « mission de l’entreprise » et de « vision de l’entreprise » alors qu’ils sont en réalité imbriqués.

Cette confusion entre l’énoncé de la mission et l’énoncé de la vision pourrait vous freiner dans votre démarche marketing, alors essayons de clarifier les choses. Et pour cela, utilisons l’approche de deux auteurs : Mark Lipton, professeur en management à New York, et Simon Sinek, auteur et conférencier notamment dans le domaine du marketing.

Les sujets de fonds derrière la mission et la vision de l’entreprise

Simon Sinek est connu pour son livre Commencer par Pourquoi – Comment les grands leaders nous inspirent à passer à l’action dans lequel il résume les sujets derrières la mission et la vision de l’entreprise à travers son cercle d’or (Golden Circle). Ce cercle se compose de trois questions pour lesquelles je vous ai traduit les explications de Simon Sinek :

  • Quoi (What) — Toutes les organisations sur la planète savent ce qu’elles font. Ce sont les produits ou les services qu’elles vendent ;
  • Comment (How) — La plupart des organisations savent comment elles font. Ce sont leurs procédés de fabrication, leurs avantages concurrentiels, etc.
  • Pourquoi (Why) — Peu d’organisations savent pourquoi elles font ce qu’elles font. La raison n’est pas le profit, c’est la recherche d’un résultat. Le « pourquoi » est un but, une cause ou une conviction. C’est la raison pour laquelle cette organisation existe.

Dans une volonté d’opposer mission et vision, Simon Sinek explique que la vision est l’intention du fondateur de l’organisation, tandis que la mission aborde le comment et avec quoi atteindre cette vision. Pour définir son « pourquoi », Simon Sinek recommande la construction de phrase suivante : « ______ dans le but de ______ ». Cela met le doigt sur l’usage de l’énoncé de la mission. Le constat est que cet énoncé a tendance à absorber la vision et « comment » et « quoi » ne sont que de simples évocations. C’est le cas avec Google :

La mission de notre entreprise est d’organiser l’information à l’échelle mondiale et de la rendre universellement accessible et utile.

Google

C’est une traduction de l’énoncé original de la mission de Google mais leur propre traduction utilise la construction de phrase exposée par Simon Sinek : « organiser les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre accessibles et utiles à tous. »

Même phénomène avec Tesla qui n’évoque même plus comment parvenir à leur but mais seulement leur but :

La mission de Tesla est d’accélérer la transition mondiale vers un schéma énergétique durable.

Tesla

Pour Tesla, les moyens sont sous-entendus : en fabriquant des voitures électriques.

En résumé, le cercle d’or de Simon Sinek est intéressant car il met en exergue les trois questions auxquelles il faut répondre pour parvenir à un énoncé de mission pertinent. En revanche, la dichotomie entre mission et vision recherchée par Simon Sinek est battue par l’usage. Les entreprises utilisent leur énoncé de mission comme vecteur de leur raison d’être (le « pourquoi ») et Mark Lipton explique pourquoi : la mission est une composante de la vision.

La mission est une composante de la vision

À l’usage, la mission et la vision d’une entreprise ont tendance à se confondre car la mission est finalement un élément de la vision. C’est ce qu’a constaté Mark Lipton lorsqu’il a voulu « démystifier l’élaboration d’une vision organisationnelle« , en 1996. Pour cela, il a observé les énoncés de vision du top 100 des entreprises américaines où il fait bon travailler, un classement élaboré par le magazine économique Fortune, dans le but de déceler les thèmes récurrents d’un énoncé de vision. Son hypothèse de départ est que les entreprises où il fait bon travailler ont de fortes chances d’avoir un meilleur énoncé de vision que d’autres entreprises. En outre, il valide ce choix en faisant le constat que ces entreprises ont aussi de meilleures performances financières que les entreprises du S&P 500, un indice boursier comparable au CAC 40.

La conclusion de son étude est que la vision aborde trois thèmes de façon récurrente : la mission de l’entreprise, la stratégie de l’entreprise et la culture de l’entreprise. En d’autres termes, la vision de l’entreprise est sa façon de voir le monde et la façon dont elle souhaite interagir avec le monde. En cela, la vision de l’entreprise n’a pas besoin d’un énoncé pour exister car cette vision existe à travers la mission, la stratégie et la culture de l’entreprise — « pourquoi, comment et quoi » de Simon Sinek. En revanche, son constat est que l’énoncé de vision facilite la définition d’une mission, l’élaboration d’une stratégie ainsi que la mise en place d’un système de valeurs au sein de l’entreprise.

Pyramide de Maslow

En outre, il constate que la mission de l’entreprise ne peut pas être le profit car il est presque impossible pour des individus de justifier l’intérêt de leur travail par la génération de richesse pour quelqu’un d’autre. Ils ont besoin d’un projet plus grand. En tant qu’individu, si vous voulez de l’argent, ce n’est pas pour l’argent lui-même, c’est pour partir en voyage, profiter de nombreux loisirs, permettre à votre famille de vivre aisément ou encore affirmer votre domination sur le monde tels Minus et Cortex. L’entreprise, quant à elle, cherche à faire du profit pour assurer sa survie et ainsi poursuivre sa véritable mission. Pensez à la pyramide de Maslow, la survie correspond aux besoins de sécurité, c’est ce qui vous permet de continuer à faire ce que vous voulez faire. La raison d’être est au sommet avec l’épanouissement personnel et le dépassement de soi. Votre entreprise veut provoquer un changement avec son produit ou son service et elle veut bousculer des habitudes qui se sont parfois installées avec la concurrence.

Pourquoi l’entreprise doit-elle avoir une mission et une vision ?

Ainsi, la mission et la vision de l’entreprise servent de fil conducteur pour les collaborateurs et engagent les clients. Vos collaborateurs ont besoin d’avoir le sentiment de prendre part à quelque chose d’exceptionnel. Et vos clients ont besoin d’avoir le sentiment que vous n’êtes pas là que pour leur argent. Votre vision et votre mission vous garde dans le droit chemin, pas au sens où vous risqueriez de mal tourner mais dans le sens où elles vous évitent de vous éparpiller. Par exemple, lorsque l’entreprise fait face à une opportunité comme le rachat d’une autre entreprise, ce rachat doit être en phase avec la mission et la vision. Si cela n’a rien à voir, vous risqueriez de traîner l’opportunité comme un boulet.

À travers votre mission et votre vision, vous transmettez quelque chose d’essentiel : votre raison d’être. C’est pour cela que Simon Sinek insiste sur le « pourquoi ». Cela donne de la valeur à vos produits ou à vos services au-delà de leur valeur intrinsèque. Apple vend plus qu’un smartphone et c’est pour cette raison qu’il peut vendre son iPhone plus de 1 000 euros. Cela marche aussi pour des produits a priori basiques. Pour 300 euros, Yeti vend plus qu’une glacière à emporter. La condition pour que cela fonctionne : vos produits ou vos services doivent être en phase avec l’histoire et la vision du monde que vous « vendez ». Si cette condition est remplie, cela agira comme un aimant qui attire les clients « idéaux » et repousse les clients « acariâtres ». Car n’ayons pas peur des mots, des entreprises passent beaucoup de temps à gérer des clients dont elles se seraient bien passées.

Exploiter votre raison d’être est la meilleure façon de faire du marketing aujourd’hui car elle s’appuie sur des décisions irrationnelles de vos clients. Irrationnelles au sens où ces décisions ne trouvent pas d’explications factuelles. Dit autrement, vous avez plus de chances de vendre votre produit ou votre service si celui-ci agit à la fois sur le côté rationnel et sur le côté émotionnel d’un individu. Une marque comme Apple joue énormément la carte de l’émotion et c’est grâce à cela que des clients achètent leurs produits même si le prix peut sembler exorbitant.

Explication scientifique

En tant qu’individu, nous avons du mal à exprimer notre raison d’être. Une entreprise étant formée par un ensemble d’individus, il en résulte la même difficulté. La science a une explication : lorsque nous réfléchissons à un ressenti ou aux sentiments qui nous poussent à agir, nous avons du mal à les exprimer car nous faisons appel au système limbique de notre cerveau. Situé dans le lobe temporal, le système limbique n’est pas chargé d’analyser ou de gérer ce qui est rationnel (cela se passe dans le lobe frontal). Il joue un rôle important sur notre comportement et sur notre mémoire.

Les caractéristiques et avantages ont certes leur importance, mais pas au premier abord. La mission de l’entreprise confère à l’argumentaire une valeur plus profonde, plus émotionnelle et finalement plus persuasive. Nous ne parlons plus d’un smartphone, mais nous expliquons qui est notre entreprise et quelles sont ses convictions : « Think different ». Bien sûr, vous aurez toujours des gens qui n’attendront rien de plus qu’un téléphone qui permet d’appeler. (D’ailleurs, combien de fois avez-vous entendu cette blague ?) Ce n’est tout simplement pas pour eux et c’est en cela que la mission agit comme un aimant.

Si les croyances et valeurs de votre auditoire correspondent à celles exprimées dans votre argumentaire, votre public sera davantage susceptible de vouloir faire appel à vous, non pas une seule fois, mais à plusieurs reprises. Les clients ont plus de chances de rester fidèles, même si un autre fabricant leur offre un prix plus avantageux. L’entreprise mise sur le sentiment d’appartenance plutôt que sur ses caractéristiques brutes.

En résumé

Quelle montagne voulez-vous gravir ?

En marketing, la mission et la vision d’une entreprise sont souvent cités séparément. Or, la vision est un ensemble de trois éléments dont la mission. Vient ensuite la stratégie et la culture de l’entreprise.

Mission + Stratégie + Culture = Vision

La mission est imbriquée dans la vision et doivent être traitées comme un tout :

  • Vision :
    • Mission — À l’usage, votre énoncé décrit le but de l’entreprise ou sa raison d’être et peut aussi aborder comment elle compte atteindre ce but ;
    • Stratégie — Il doit y avoir une stratégie pour donner la logique opérationnelle qui permettra d’atteindre les objectifs de la mission ;
    • Culture — La culture est le système de valeurs de l’entreprise, c’est une chose immatérielle. Elle se traduit par des comportements ou des politiques au sein de l’entreprise.

La vision de l’entreprise révèle son potentiel que si ces trois composants sont réunis et sont en cohérence. Ce sont les fondations de l’entreprise sur lesquelles reposent toutes les décisions stratégiques et toutes les actions menées par l’entreprise.