En marketing, rappelez-vous que vous n’êtes pas le client

Il existe une question basique que vous pouvez poser à toute personne passant un entretien pour un poste de marketing.

Demandez au candidat d’imaginer qu’une grande marque de natation cherche un nouveau directeur du marketing. Deux candidats se rendent à l’entretien final. Le premier est un ancien nageur professionnel qui a participé aux JO et connaît ce sport sur le bout des doigts. Le second est un responsable marketing d’une marque de voiture, désireux de relever un nouveau défi, mais sans expérience du sport en compétition ni intérêt préalable pour la natation.

Qui est le meilleur candidat ?

Vous pouvez argumenter que le nageur professionnel a une connaissance innée et étendue du sport et que cela fait de lui le candidat idéal. Mais vous pouvez aussi utiliser cette expérience contre cette personne. C’est un professionnel, pas un client normal, et sa connaissance plus profonde et plus étendue du jeu pourrait l’empêcher d’éprouver de l’empathie pour les amateurs et l’empêcher de les convaincre d’adhérer à la marque.

De même, l’incapacité du spécialiste du marketing en automobile à distinguer les différences entre deux maillots de bain ou deux paires de lunettes de plongée peut être utilisée comme un argument de poids contre son embauche. Mais le fait de prendre quelqu’un qui ne connaît pas l’environnement de la marque oblige cette personne à étudier le marché plus attentivement et élimine une partie de la confiance et des préjugés que l’expérience antérieure peut apporter.

La bonne réponse est qu’un candidat peut être supérieur à l’autre. Tout dépendra non pas de leur formation, mais de leurs compétences en marketing.

Un bon marketeur bien formé aura été scolarisé dans la discipline et aura commencé sa formation par une exposition approfondie au concept d’orientation du marché. C’est la théorie de base du marketing, elle explique que la première règle du marketing est que vous n’êtes pas le marché. Toutes vos pensées, vos sentiments et vos réactions immédiates à des éléments tels que la publicité, le prix et l’emballage ne sont pas seulement incorrects, ils peuvent devenir dangereux.

Vous participez à la production du produit, par conséquent vous n’en êtes pas le consommateur. Apprendre à séparer vos propres pensées et sentiments instinctifs des idées réelles des consommateurs est, littéralement, la première chose qu’un spécialiste du marketing apprend à faire correctement.

Les publicitaires sont-ils différents des consommateurs ? Bien sûr. Mais la question la plus importante est celle de l’orientation du marché. Les gens des agences le savent-ils ?

Si le nageur professionnel peut mettre entre parenthèses sa propre expérience et sait comment générer un bon aperçu qualitatif, puis produire des résultats quantitatifs clairs à partir d’échantillons représentatifs du marché cible, je l’engage. Si la personne venue de l’automobile peut le faire mieux, je le prendrais à la place. Savoir celui qui fera le 50m nage libre le plus rapidement n’a que peu d’intérêt dans notre contexte.

Les hommes peuvent commercialiser des produits pour femmes et vice versa. La clé n’est pas qui vous êtes mais plutôt votre capacité à être orienté vers le marché à tout moment. Et nous savons, grâce aux travaux révolutionnaires d’une série d’universitaires américains dans les années 1980 et 1990, que plus un manager et l’entreprise pour laquelle il travaille sont orientés vers le marché, plus l’entreprise se développera rapidement, plus elle fera de bénéfices et plus ses nouvelles innovations auront du succès. Il s’avère que le fait de savoir que vous n’êtes pas le client vous confère des avantages marketing considérables.

Il s’agit souvent d’un message difficile à faire passer, en particulier aux cadres supérieurs qui oublient parfois qu’ils ne font pas partie de la tranche d’âge ou de la tranche de salaire du segment cible, voire n’ont pas le même sexe. Pourtant, ils s’épanchent sur la campagne qu’ils préfèrent et sur ce que l’équipe marketing devrait faire ensuite. C’est un comportement égocentrique qui peut faire mal à l’organisation.

Des décisions fondées sur des données

Le groupe de presse anglais Reach Solutions, a réalisé une étude sur les disparités entre les profils des équipes d’agence marketing et les consommateurs britanniques.

Cette étude confirme que les personnes qui peuplent les agences ne ressemblent en rien aux marchés qu’elles tentent d’influencer. Les membres des agences sont, par exemple, plus jeunes, plus à gauche et plus mobiles que leurs homologues consommateurs.

Cette disparité est illustrée par des différences d’attitude. Les employés d’agence sont plus à l’aise avec le risque, recherchent des émotions fortes et ont un plus grand besoin d’appartenance que les consommateurs qu’ils ciblent.

Selon le rapport, les résultats permettent d’expliquer comment « les marques et la publicité ont perdu leur pertinence pour de larges pans du Royaume-Uni ». Ses conclusions ont certainement divisé les spécialistes du marketing. Nombreux sont ceux qui ont exprimé leur inquiétude face à ces résultats, mais beaucoup d’autres ont fait remarquer que personne n’attend des spécialistes du marketing qu’ils soient identiques aux marchés qu’ils ciblent, alors pourquoi s’inquiéter ?

Les deux points de vue sont à traiter avec respect. En fait, cela pose peut-être une mauvaise question.

Les publicitaires sont-ils différents des consommateurs ? C’est probable. Mais la question la plus importante est celle de l’orientation du marché. Les gens des agences (et les équipes marketing des entreprises) le savent-ils ? Comprennent-ils les implications de cette orientation ? Font-ils preuve d’une orientation marché claire et disciplinée lorsqu’ils sont confrontés à des questions de marketing ? Et cela conduit-il à ce que les données, plutôt que leurs propres sentiments, guident les décisions stratégiques ?

Telles sont les questions clés du marketing. La véritable façon de tester notre nageur et notre spécialiste du marketing automobile est de leur montrer certaines de nos publicités actuelles et de leur demander leur avis.

S’ils commencent à parler et à nous donner leur point de vue personnel sur la campagne, nous pouvons mettre fin à l’entretien et les renvoyer chez eux avec l’argent du bus et un sourire triste et déçu. S’ils lèvent les yeux des publicités et demandent à voir le segment ciblé par cette publicité et la personne qui a dirigé la campagne, il est temps de parler salaire et avantages.

En somme, souvenez-vous que vous n’êtes pas le client. Le rapport le prouve par de nombreuses preuves empiriques. Mais nous le savions tous déjà : il suffit de quelques instants dans une équipe marketing puis dans un bistrot pour comprendre qu’il existe des écarts.

La question la plus importante est de savoir si les marketeurs savent qu’ils ne sont pas le client, et si cette connaissance crée un espace que la recherche et la compréhension peuvent occuper. Sans tomber dans les excès.

Recherche marketing
Ne segmentez pas trop vos cibles.